UN RÊVE D'ENFANT : TRAVAILLER DANS UN REFUGE D’ÉLÉPHANTS EN THAÏLANDE

Décembre 2013

J’aime les animaux. J’ai toujours aimé les animaux. Quand j’étais petite, je voulais être vétérinaire, mais je suis devenue ingénieur. Puis j’ai eu envie de voyager, alors j’ai décidé de prendre de longues vacances. Je suis partie en Thaïlande et je travaille depuis plusieurs semaines dans un refuge d’éléphants. Pourquoi pas? Le centre s’appelle WFFT, est situé à 160 km au sud-ouest de Bangkok, et recueille des éléphants maltraités …

www.wfft.org

Nombreux sont mes amis qui m’interrogent – s’interrogent – sur le quotidien d’un volontaire dans un refuge d’éléphants.

Le travail commence à 6h30. Les yeux piquent, pas le temps de prendre un petit-déjeuner, ces grosses bébêtes n’attendent pas! Il y a les dangereuses, ne pas approcher, surtout ne pas toucher, rester loin de leurs enclos. Il y a les plus gentilles, qu’on a envie de câliner si l’on n’était pas là pour respecter leur nature sauvage. Chaque volontaire à sa préférée, la mienne s’appelle Boon Mee. Elle est malade, est blessée à l’oreille et au genou, n’a presque plus de dents et ne voit que d’un œil. Ils ont mis du poison dans son œil, ses bourreaux d’avant, pour la rendre faible et docile. Ils ont mis du poison pour ne pas choquer les touristes, inconscients du mal fait aux éléphants qu’ils montent lors de treks pour quelques minutes de fun dans leur vie… Les cicatrices partout sur le corps de Boon Mee, et sur son front, attestent des punitions reçues lorsqu’elle essayait de retrouver un semblant de dignité.

A 6h30, on nourrit les éléphants, une première fois. Des troncs et des feuilles de bananiers, de l’herbe, des ananas, et des boules de bananes mélangées à des vitamines. Ça mange beaucoup ces bébêtes là! Puis on nettoie les enclos. A 8h, c'est terminé, il est enfin l’heure d’aller prendre notre petit déjeuner. Avec un peu de chance, on arrive avant tout le monde dans la cuisine et on accède aux gazinières et aux grilles pain.

A 9h, c’est reparti, il y a un projet spécial chaque jour. Parfois il faut prendre soin de la forêt, où ils font des expéditions journalières. Parfois il faut partir en « Harvest », récolter leur nourriture dans des plantations et des fermes. Porter des troncs de bananiers, ça fait mal aux muscles, arracher des ananas, ça griffe les bras. Le travail est physique, il fait chaud, les fourmis rouges s’introduisent dans les gants et dans les vêtements, mais le camion se remplit. Lorsque c’est finit, c’est plus fiers et satisfaits que jamais que l’on peut aller se rafraîchir dans la rivière.

A 10h30, il faut les nourrir, une seconde fois. Il faut nettoyer leurs enclos, parce qu’ils salissent pas mal ces gros éléphants! Puis arrivent les moments sympas… Les volontaires sont affectés par équipe de 2 ou 3 par éléphant. C’est l’heure de la promenade. On prend un gros bol de fruits, on sort son nouveau compagnon, et on se promène dans la forêt. L’éléphant vous suit – enfin, suit le bol de fruits, que l’on donne directement dans sa trompe. Ce sont des moments extraordinaires où chaque éléphant révèle son caractère. Il y a les paresseux, les affamés, les têtus, les joueurs… Boon Mee pourrait manger la forêt entière si on la laissait faire!

Après la balade vient la douche. Les plus dangereux iront se baigner par eux mêmes dans leur lac personnel alors que les volontaires doucheront les autres. Un tuyau d’eau, quelques brosses, et c’est parti… on est mouillés de la tête aux pieds, l’éléphant est propre, et les mahouts sont tout contents de vous avoir arrosé « par accident ».

C’est enfin midi, on est trempés, les bras et les pieds brûlent, l’éléphant est heureux – enfin, on l’espère – il est temps de prendre une pause bien méritée.

A 13h, on les nourrit. 3ème fois. On apprend à manier la machette à merveille, on découpe les troncs de bananiers comme des baguettes de pain, on sort les brouettes et on rejoue le ballet du nettoyage d’enclos. Parfois certains éléphants ont le droit de partir explorer la forêt, pour les autres ce sera balade et douche, s’il ne fait pas trop froid…

Il est déjà 16h, tout le monde rentre dans ses enclos pour recevoir son 4ème repas de la journée. On en aura coupé des troncs, des fruits, des feuilles. On est devenus si efficaces que l’on pourrait être embauchés dans un restaurant! Mais à 16h, c’est aussi l’heure de « l’enrichment ». Se creuser la cervelle pour trouver une activité à son compagnon. Lui cacher ses fruits, les pendre aux arbres ou les enterrer, disperser des ballons gonflables, fabriquer des radeaux comestibles… Bref, tout est bon pour éveiller sa curiosité, l’amuser, mettre un peu de piment dans son quotidien. Maintenant, il reste un peu de temps pour les observer, comprendre leurs caractères, admirer leurs stratégies.

Il est 17h30, la journée est finie. Les jambes sont fourbues et l’esprit dans un nouveau monde. Il est temps de se retrouver entre volontaires, autour d’une bière.

Vous l’aurez compris, ce ne sont pas des vacances reposantes, vous n’êtes pas en safari photo. Mais ces moments sont extraordinaires, les éléphants sont des créatures impressionnantes, très intelligentes, et attachantes. Vous faites le vide dans votre esprit, vous surpassez chaque jour, profitez de chaque instant. Impossible de partir d’ici sans avoir l’estomac noué et les larmes aux yeux.

Wildlife rescue center

A WFFT, il est également possible de travailler au soin et à la réhabilitation d'autres animaux sauvages, tels que des ours, des singes, des oiseaux, des loris, etc...

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